Sergent Poivre

Textes


Ressentis...

 

L'odeur de café

 

One more cup of coffee, chantait Bob Dylan.
Couleur café et l'eau à la bouche, chantait Gainsbourg
Et il y a le café de Perceveau.
L'odeur de café.

Tout à l'heure Pascal D. m'a parlé de l'odeur de café de Perceveau.

Pascal, que je ne connaissais pas avant ce coup de téléphone, a décrit Perceveau avec des mots justes.
Quelques mots justes, des mots sensitifs, simples, qui décrivent bien l'ambiance, l'atmosphère que faisait régner l'homme aux tentacules.
Une ambiance lourde et malsaine, et aussi chaleureuse et intimiste. Un piège précis et enveloppant.
Et surplombant cette atmosphère pesante, lourde comme un orage de canicule, l'odeur de café.

L'odeur de café qui imprègne chaque millimètre de molécule d'air.
L'odeur de café qui s'attache partout.
Elle vient de son haleine.
Son haleine de café.
J'avais complètement oublié ça.

Quand Pascal m'a parlé de son haleine de café, ça a fait tilt. Comme si il avait appuyé sur un bouton. « Bon sang mais c'est bien sûr ! ».
Et pourtant en suis-je sûr ?
N'est-ce pas une construction de souvenir « sensuel » que je me fais à posteriori, guidé par les paroles de Pascal ?

Je ne la sens pas cette odeur, pourtant elle me parle.
Je crois qu'elle a été présente. Ca me parle.

Son odeur de café. Son haleine de café. Envahissante. Prenante.
Comme son alliée.
Il n'était pas tout seul. Il y avait lui et l'atmosphère environnante qu'il chargeait de son haleine de café.

Comme un mur invisible, une prison, faite d'un voile odorant. Lui derrière, et ce mur devant.
Et entre les deux, moi.
Impossible de m'échapper par derrière, son grand corps était un mur infranchissable, sombre, opaque, un mystère impénétrable enveloppant la moitié de mon être.
Et devant ? L'espace était libre … … Non ! Il y avait cet « écran de fumet ». Son odeur d'haleine de café qu'il semblait souffler pour refermer le piège, terminer son œuvre architecturale.
Un subtil et ténu mur invisible, transparent, fait de rien, et pourtant infranchissable.
Les molécules de son haleine de café.
Elles m'enveloppaient, m'assaillaient, m'étouffaient, me laissaient prisonnier.

Un piège plus vicieux que son corps grand et malhabile, mal adapté à mon petit être.
Les molécules de son haleine, elles, collaient parfaitement à ma peau, ne me laissaient aucune issue possible.

Même si je pouvais voir à travers elles qu'il y avait un monde lumineux hors de ses bras.
Mais voilà je n'y étais plus dans ce monde lumineux. Il m'y a soustrait.

En apparence , vu de loin, pour quelqu'un qui me regardait, il était impossible de voir que Perceveau me tenait prisonnier grâce à son haleine de café. Impossible de voir que j'étais sous son emprise, que je n'étais plus dans le monde de lumière, mais dans le gouffre sombre des bras de Perceveau. Séparé des autres, de la vie par ce voile d'odeur de café. Je n'étais plus là, j'étais dans la tanière de l'animal. Séparé de la vie. Seul. Résolument seul. Séparé des autres.
Le sorcier avait bien caché son jeu. Blanc comme neige. Blanc comme un habit de messe. Transparent comme l'air d'été.
Et pourtant glauque.

Qui pouvait se douter que derrière cette façade que je présentais se cachait une souffrance sans nom ?
Une souffrance indicible, car non détectable, non détectée.
Non comprise par moi-même.

Comme une illusion, comme quelque chose d'imperceptible, d'immatériel, d'insaisissable, d'indicible … mais pourtant tellement là, envahissant et prégnant, partout autour de moi …

Comme une odeur d'haleine de café.


Humeur d'esprit...

 

Quelle vie de merde  (15 juin 2019)

 

Quelle vie de merde. Heureusement un jour elle va s’arrêter.

Ma tête est lourde, trop pleine de toutes ces choses dont je ne voulais pas.

Trop pleine des gestes de Perceveau.
Trop pleine du manque d’amour.
Trop pleine de la confusion.
Trop pleine de la manipulation, de l’incompréhension.
Trop pleine de l’insouciance perdue.
Trop pleine de la souffrance.
Trop pleine du silence des adultes.
Trop pleine du silence de l’église.
Trop pleine de l’hypocrisie de l’église. Du crime de l’église. De la complicité de l’église. Comment un enfant peut-il gérer toutes ces incohérences du monde des adultes : tous ces tabous, toutes ces fausses idées, tous ces faux-semblants, toute cette ignorance, toute cette soumission à un dogme religieux anti-naturel, le sexe c’est péché n’en parlez surtout pas, des curés tripotent des gamins … cachons-le … et … prions … !!!!!

Trop pleine des tabous familiaux, ensemencés par l’église.
Trop pleine du manque de caresse, enfant. Puis adulte.
Trop pleine du vide.
Trop pleine du gâchis.

Heureusement il y a Pierre, Isabelle, Séverine, Paul, Marius, Eliott… et quelques autres
Sinon y’a longtemps que j’aurai raccroché.
Les seules lumières ce sont eux, et c’est à eux que je me raccroche.

Heureusement Hubert Reeves dit que je suis une poussière d’étoile.
Mais bon ça ne suffit pas.

Heureusement Paul McCartney chante.
Mais combien pèsent ces chansons face à ma douleur ?
Face à ce plein de vide qui m’envahit ?

Trop plein d’une adolescence non-vécue.
Trop plein de « flirts » inexistants.
Trop plein de premières amours absentes.
Trop plein d’un « grand » amour aux abonnés absents.

Et pourtant, si c’était pour maintenant …
Si j’avais fait suffisamment le ménage en moi ?
Jeté tout ce qui ne m’appartient pas ?
Tout ce qui n’aurait jamais dû être en moi ?
Tout ce qui a été là à cause d’adultes incompétents, incapables, malades, ou pire coupables ?
Si j’avais rendu à qui de droit ce qui ne m’appartient pas et m’empoisonne ?
Le manque de caresse à ma mère.
L’hypocrisie et la lâcheté à l’église.
La culpabilité, l’indignité et la honte à Perceveau.
Le silence et les yeux fermés à ma famille.

Et si le petit enfant que j’étais allait pouvoir enfin vivre ?
Demain peut-être. Pas encore ce soir.
Mon Dieu que c’est dur !
Mon Dieu quel combat pour en arriver là.
Toujours debout, mais chancelant.

Pourquoi tous ces adultes ont-ils permis que toute cette lourdeur entre en moi ?
J’étais juste un enfant qui ne demandait rien de tel.
Juste jouer, rire, aimer, être aimé, découvrir la vie.

Combien de larmes retiens-je encore ?
Qui pour planter un robinet dans ma tête et l’ouvrir ?
Laisser couler tout ce trop plein.
Et laisser place à autre chose.
De l’espace libre pour accueillir autre chose.

Le jour se lève encore.